"Mon enfant a été contacté·e par un·e inconnu·e sur Instagram. C’est grave ?"
© E.T., l'extra-terrestre, Universal Pictures
Mon métier, c'est community manager ! En quelques mots, je gère les réseaux sociaux de mes clients, qui sont des marques ou des organisations. Et quand je parle de ma profession aux jeunes parents, leurs questions sont quasi immédiates. Pourquoi les jeunes passent-ils tant de temps sur les réseaux sociaux ? Comment savoir avec qui mon fils/ma fille discute sur ces applications ? Les messageries instantanées peuvent-elles être dangereuses ?Peuvent-ils discuter avec des inconnus ?
Selon le baromètre du numérique 2019 du Credoc, 85% des 12-17 ans naviguent sur Internet depuis un téléphone mobile, et ils sont 79% à échanger des messages instantanés. Or, leurs conversations sont privées et il est très rare que vous ayez l’autorisation d’y mettre le nez ... Or, les exemples de mauvaises rencontres que peuvent faire les jeunes en ligne ne manquent pas à la télévision, ou dans les conversations de sortie d’école.
Mais qui mieux que les adolescent·e·s eux-mêmes, pour s'exprimer sur le sujet ? J'aime les interroger et débattre avec eux lors de mes interventions en milieu scolaire. Et leurs témoignages sont plutôt rassurants. Une écrasante majorité d’entre eux déclarent chatter uniquement avec le cercle d’amis restreint qu’ils fréquentent déjà !
Pour Olivier Trédan, chercheur en sciences sociales, « Les jeunes forment ainsi des espaces extrêmement importants pour eux, dans la formation même de leur identité ». L’absence des corps et les options intégrées aux messageries instantanées (envoi de gifs, discussions de groupe ...) vont permettre une certaine désinhibition. Les plus timides pourront même avoir le cran de discuter avec ceux qu’ils n’osent pas aborder dans la cour.
Grâce au chat, on peut élargir ses horizons ; grâce à l’anonymat, on peut essayer d’autres registres relationnels tout aussi bien que confirmer ses liens habituels en « délirant » avec ses pairs familiers .
Céline Metton-Gayon, docteure en sociologie de la jeunesse
Le chat d'Instagram, un espace « safe » ?
Les jeunes qui échangent avec de parfaits inconnus sont donc des cas plutôt rares. Et quand cela arrive, il s’agit le plus souvent de relations nouées avec des personnes rencontrées sur des forums ou des jeux vidéo en ligne. C’est, en soi, quelque chose de positif. Discuter avec des inconnus sur internet n’est pas FORCÉMENT dangereux si la conversation ne dépasse pas le cadre de deux adolescents qui parlent normalement.
Instagram me permet d’obtenir des conseils, des astuces dans mon quotidien avec ma jument. Des personnes s’abonnent à mon compte grâce aux hashtags « #equitation » ou « #chevalpassion ». Avec une 30aine de filles, nous avons créé une conversation de groupe. J’en ai même rencontré une en concours, et j’ai trouvé ça génial !
Léane, 15 ans a créé un compte Instagram dédié à sa passion pour l’équitation
En discutant avec les collégiens et les lycéens, je me suis rendue compte que la nature des sollicitations d'inconnus en messages privés dépend beaucoup de l'âge, du pseudo, des abonnements et des publications de l'utilisateur. Et malheureusement, les espaces numériques ont leur lot d’utilisateurs mal intentionnés. Voici 2 typologies (non exhaustives) de sollicitations "d'inconnus" qui doivent éveiller les soupçons de votre enfant s’il y est confronté sur Instagram.
« Coucou, tu veux un smartphone gratuit ? »
Le Youtubeur Squeezie, qui cumule 14,3 millions d'abonnés sur sa chaîne
Sur Instagram, la liste des personnes abonnées aux comptes des célébrités est publique. Des arnaqueurs vont tout simplement contacter les abonnés d’un influençeur en se faisant passer pour lui. On ne peut qu'imaginer l'enthousiasme que ressentira le fan, croyant recevoir le message d'une personne qu’il admire ! L'arnaqueur lui annoncera qu’il est l’heureux lauréat d’un lot (le plus souvent, il s'agit d'un smartphone) qu’il pourra récupérer gratuitement en appelant un numéro de téléphone pour obtenir des codes. Sauf que ce numéro est surtaxé ... et qu’il n’y a évidemment aucun Iphone à la clé !
Le Youtubeur Squeezie a mis en ligne une vidéo pour prévenir ses abonnés de ce type d'arnaque sur Instagram. Pour faire passer le message de manière ludique, il a décidé depiéger les arnaqueurs en se faisant passer pour une "proie facile".
Je vais me créer un faux compte Instagram avec, en photo de profil, un visuel du jeu Minecraft, pour faire croire que je suis une cible extrêmement jeune.
Il y a plusieurs façons de ne pas tomber dans le panneau. D’abord, jamais un·e influençeur·se ne fera gagner de lot qui nécessite d’appeler un numéro de téléphone, ou d’aller sur un site à l’URL douteux. Deuxièmement, vous pouvez vérifier très facilement si le compte de l'influençeur·se est certifié : un badge de vérification bleu apparaît à la suite de son pseudo.
Une autre célébrité d'internet : Cyprien
Enfin, il existe beaucoup d’autres types d’arnaques, mais elles ont toutes en commun :
Essayer de gagner la confiance de la victime
Lui faire miroiter un lot ou une somme d’argent importante à récupérer facilement. (via des moyens de paiement sans traçabilité fiable, comme Western Union)
Créer un sentiment d’urgence pour ne pas lui laisser le temps de réfléchir
« Je souhaite juste faire des nouvelles rencontres »
A priori, pas d'arnaque à l'horizon ... Mais votre enfant doit rester vigilant et se demander les raisons de cette prise de contact soudaine. Comment l’inconnu.e est-il tombé sur lui ? Quelles sont ses motivations ?
Si la conversation dérive sur des questions intrusives sur sa vie privée, des sujets malaisants, des demandes de photos ou de discussions par webcam. Ou des compliments exagérés, l’envoi de contenus inappropriés ou encore si elle génère une relation toxique et culpabilisante, votre enfant doit pouvoir mettre un terme à ces échanges. Et en parler à ses proches s’il se sent en danger.
Il est important d’expliquer à son enfant que les conversations en ligne ne sont que le prolongement du monde tangible. Les comportements à adopter face à la sollicitation d’un.e inconnu.e sont les mêmes que lors de rencontres dans la rue. Sauf que contrairement à une rencontre « en chair et en os », il n’y a aucun moyen de vérifier que l’inconnu ne ment pas sur son identité.
Des outils déjà intégrés au réseau social pour limiter les interactions avec les inconnus
Instagram, qui se finance en partie grâce à la publicité, a tout intérêt à avoir le plus d'utilisateurs possible, et cherche de ce fait à réduire les dangers liés à sa messagerie instantanée. C'est pourquoil'application freine la possibilité d’être accosté en message direct par n'importe quel individu, grâce aux messages cachés. Autrement dit, votre enfant ne verra de base que les messages privés de ses amis et abonnements.
Pour accéder aux messages d’inconnus, il devra se rendre dans une boîte de réception spéciale, plus difficile d’accès. Instagram lui demandera, à chaque fois, s’il est d’accord de continuer à converser avec l’inconnu qui l’a sollicité. Votre enfant peut également signaler à tout moment une conversation indésirable. Le compte de la personne signalée sera passé en revue par les modérateurs. Ces derniers décideront de son sort, et pourront le supprimer afin qu’il ne nuise pas à d’autres utilisateurs. L'étape suivante consiste à bloquer l’inconnu en question, afin qu'il ne puisse plus le contacter. Instagram explique toute la démarche à suivre dans son guide pour les parents.
Un compte Instagram en mode « privé » ou en mode « public » ?
Ces deux options sont proposées à l’utilisateur. Les comptes sont par défaut paramétrés en mode « public ». Or, le mode « privé » a l'avantage de masquer les photos de votre enfant aux personnes qui ne font pas partie de son cercle d’amis. Voici comment mettre son profil en mode « privé ».
Il est intéressant d’échanger avec lui sur l’intérêt qu’ont les célébrités à mettre leur profil en mode « public ». Leur objectif est d’avoir le plus d’abonnés possible, pour gagner de l’argent grâce à leur image. Cette utilisation est à mettre en confrontation avec une utilisation plus « traditionnelle » d’Instagram : se divertir, échanger avec ses amis ou s’informer. Vous pouvez également proposer à votre enfant d’utiliser un pseudo pour ne pas lier son identité numérique à la personne qu’il souhaite être « IRL » (In Real Life = La vie réelle), et ainsi protéger sa vie privée.
En parler, c'est déjà le.la protéger !
© Loris F. Alessandria / Motherhood
Instagram a fixé l’âge légal d’inscription à 13 ans. Mais cette limite d'âge ne prend pas en compte la maturité de l’enfant. Ni la qualité d’accompagnement de ses parents. Ni ses centres d’intérêt.
Proposer à son enfant de participer à l’élaboration de son premier profil est une très bonne idée. Comme de lui tenir la selle pour lui apprendre le vélo…
Anne Cordier, maître de conférences en sciences de l’information et de la communication, pour Psychologies Magazine
Bien entendu, vous aussi, vous pouvez être contactés par des inconnus, ou même être victimes d'arnaques sur internet ! Les personnes de plus de 50 ans sont très ciblées par les arnaqueurs, car elles sont jugées moins familières des codes des réseaux sociaux. Si vous n’êtes inscrit.e.s sur aucun réseau social, ne perdez pas confiance en votre capacité d’accompagner votre enfant dans les mondes numériques. Votre expérience de la vie vous permettra de transposer de nombreuses situations que vous avez vécues à celles rencontrées en ligne.