Les photos "parfaites" d'Instagram VS l'été "pourri" de votre ado

© Little Miss Sunshine

 

Le compte @youdidnotsleepthere dénonce les lieux de camping les plus illogiques vus sur Instagram !

 

Le compte Instagram @Insta_repeat montre le manque d'originalité sur le réseau social.

 

L'influenceur @tiboinshape est spécialisé dans la musculation. De quoi créer des complexes !

 

La marque Dove fait régulièrement des clips pour dénoncer la façon dont les images sont construites sur les réseaux sociaux.

 

La comédienne @celestebarber tente de reproduire avec humour et autodérision les photos Instagram des influenceuses.

La moitié de l'été est déjà passée et avec un peu de chance vous êtes en vacances en famille ! Mais le smartphone de votre ado, lui, ne prend jamais de vacances. Dans la voiture, à l'heure du goûter, avant de s'endormir, il ou elle scrolle sur Instagram. Et parfois, vous voyez son visage s’assombrir : dehors, il pleut des cordes. Il ou elle est bloqué·e à la maison, et avec cette histoire de Covid-19, c’est quand même moins simple de passer un été de folie (et de toute façon, à 15 ans, le champ des possibles est assez limité et son porte-monnaie crie famine). Pendant ce temps, Agathe, sa meilleure amie, poste des dizaines de stories de ses vacances à Bonifacio. Sur Instagram, tout le monde a la peau bronzée. Les influenceur·euses semblent arpenter le monde sans aucune limite : ils et elles sont entourés d’ami·es, font la fête... et aucun bouton n'apparaît sur leur joli menton ! Bref, c’est l’été, et leur vie est formidable. Comment aider votre ado à relativiser ?

Un lieu d’expérimentation de soi par l'image

Pour Elsa GODART, docteure en philosophie et en psychologie, membre de l’Institut Virtuel Seine Ouest (IVSO) et auteure de « Je selfie donc je suis » (Editions Albin Michel), il est évident qu’à l’adolescence, qui correspond à une période spécifique de questionnement de qui l'on est, cette identité en (re)construction va, parce qu’on en a les moyens technologiques, passer par l’image.

Autrefois déjà, l’adolescence, c’était tenter des looks, des manières d’être, des poses, des suggestions, des contextes. On disait « se chercher ». Certain.e.s tentent le style punk, fashion, ou encore baba cool. Aujourd’hui, la virtualité nous donne l’occasion de ne pas faire ces expérimentations forcément dans la réalité, mais de manière virtuelle.

Un autre point important est, selon elle, la question de la notoriété. L’expérience du nombre de vues, du nombre d'abonné·e·s, du nombre de likes est souvent très importante à cet âge.

On voudrait plaire, on voudrait séduire. De ce point de vue-là, le virtuel peut être une béquille. Et le regard que l’autre va poser sur soi, par le biais de la virtualité, est quelque chose qui peut accompagner un ado dans sa recherche d’avoir une meilleure estime de soi et d'être rassuré. En clair : être aimé.

Sauf que sur Instagram, les images nous proposent une réalité bien déformée. S’en inspirer peut-être une manière de se tirer vers le haut. Mais s’y comparer sans cesse peut devenir carrément obsessionnel…

Instagram, un « paradis » artificiel ?

Vendre du rêve sur le réseau social, un business lucratif pour les influenceur·euses

Plusieurs typologies d’utilisateur·trices se côtoient sur Instagram... mais ne poursuivent pas les mêmes objectifs. Les influenceur·euses sont des individus dont le métier est de mettre en scène leur vie. Leur objectif est d'avoir un maximum d’abonné·es, pour ensuite faire des publications sponsorisées, monétiser leurs vidéos sur YouTube, vendre des produits dérivés, bref, gagner de l’argent.

Nombre d'adolescent·es rêvent de devenir influenceur·euses à leur tour, car ils et elles ont l'impression qu'il s'agit d'un moyen de devenir riche facilement, tout en profitant de la vie. Mais la réalité est souvent bien loin de ce fantasme. Susciter de l’admiration, de la sympathie, et faire rêver des milliers d'abonné·e·s est un travail à temps plein. Un shooting photo prend plusieurs heures. Sans compter la session de retouches photo qui s'ensuit, ainsi que la durée des trajets pour se rendre d'un endroit "instagrammable" à un autre. Les influenceur·euses ont globalement peu de vie privée, et sont obligé·es de poster très régulièrement pour ne pas tomber dans l'oubli.

Il est très probable que votre enfant, quant à lui, utilise le réseau social pour discuter avec ses ami·es, et se divertir. Mais face à toutes les images "parfaites" qui s'y trouvent, il peut finir par croire que c'est lui qui n'est pas "normal", et que sa vie est nulle. C'est la raison pour laquelle les utilisateur·trices d'Instagram vont souvent être tenté·es de reproduire ce qu'ils et elles y voient. Finalement, c'est le serpent qui se mord la queue !

Une vision biaisée des corps

Pourquoi, en été, Instagram regorge-il de photos d'individus en maillot de bain, dotés d'une plastique de mannequin ? En fait, l’algorithme de l’application va logiquement mettre en avant les contenus qui fonctionnent le mieux, c’est-à-dire ceux qui suscitent le plus d’engagement : likes, commentaires, partages.

Mais être tout le temps exposé·e à ce genre d'images peut entrainer chez les jeunes (et chez les moins jeunes aussi, d'ailleurs) une obsession sur un des détails de leur corps qu'ils ou elles n'apprécient pas et dont la perception devient alors complètement démesurée : c’est ce qu’on appelle la dysmorphophobie.

J'ai pris 100 photos de cette pose jusqu'à ce que je sois satisfaite de mon ventre. J'avais à peine mangé ce jour-là.

L'influenceuse Essena O'Neill a dévoilé les dessous de ses photos Instagram, avant de supprimer définitivement son compte en 2015.

Le danger est de croire que ce type de corps, minces et athlétiques, correspondent à la norme. Les challenges et les témoignages présents sur la toile poussent à croire qu'un corps qui n'y ressemble pas résulte d'un manque de volonté, sans prendre en compte la (pourtant précieuse) diversité des morphologies humaines.

Elsa GODART tient cependant à replacer la responsabilité des réseaux sociaux dans leur contexte :

Ce n’est pas à cause de la virtualité que quelqu'un va être complexé et avoir une mauvaise image de lui-même : il est complexé en soi. Néanmoins, certains usages excessifs du virtuel peuvent accentuer ces symptômes. Mais les cas vraiment problématiques sont très rares. Et heureusement, en vieillissant, tout cela s’amenuise.

Finalement, que faire pour éviter de déprimer sur Instagram ?

Il est important d'avoir une discussion avec votre ado sur la logique algorithmique du réseau social, le business des influenceur·euses et leurs techniques pour rendre les photos magnifiques, le besoin de certain·es de mettre en scène leur vie, en ligne, pour obtenir une certaine forme de reconnaissance... Cette discussion lui donnera les outils qui lui manquent pour prendre du recul sur les images qui pourraient impacter sa santé mentale.

Prendre conscience que tout le monde a des complexes

Ces dernières années, de nombreuses célébrités appréciées des ados ont dénoncé les dérives du réseau social. L'influenceuse lyonnaise Enjoy Phoenix a publié une vidéo où elle révèle s'être sentie mal dans sa peau à force de comparer son corps à celui de célébrités comme Kylie Jenner (la demi-sœur de Kim Kardashian). Cette dernière, adepte de la chirurgie esthétique, publie tous les deux jours sur son compte Instagram, qui comptabilise 252 millions d'abonnés !

Ne pas hésiter à se désabonner des comptes qui font se sentir mal

C'est souvent un réel soulagement de bannir de son fil Instagram certaines personnalités aux contenus trop "superficiels", qu'on suit davantage par habitude que par réel intérêt (même si il est difficile d'en prendre conscience). À la place, pourquoi ne pas suivre des personnalités plus "body positive" qui prônent l'acception de soi ou qui tournent en dérision les codes du réseau social ?

Jouer avec les filtres, les retouches photo

S'approprier les outils de retouche photo est une bonne manière de comprendre comment ils fonctionnent. Et appliquer des filtres sur ses propres photos peut regonfler l'égo de n'importe qui en 2 secondes chrono ! (à noter que RIEN n'oblige votre ado à les publier ensuite).

Un article écrit par Angela Blachère, rédactrice pour le média des parents de Super Demain.

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