Pornographie : Cachez cette main que je ne saurais voir
Photo © Larry Clark Untitled, 1979 Courtesy of the artist, Luhring Augustine, New York and Simon Lee Gallery, London
On considère globalement la pornographie comme une raison suffisante de limiter l’accès des enfants et des adolescents à Internet. Mais une récente étude montre que c’est en fait la masturbation qui serait visée. Et non les potentielles externalités négatives du porno.
Pornographie = masturbation ?
Ce sont essentiellement les liens, relativement justifiés selon les résultats de l’enquête SEXI, qui existent entre la consommation de pornographie et la masturbation qui justifieraient les obstacles que les adultes placent sur les chemins de la sexualité en ligne des adolescents.
“J’ai commencé à regarder du porno quand j’ai eu mon premier ordinateur portable. Je pense qu’il y a eu vraiment un lien avec le fait que c’était mon ordinateur à moi privé, que je pouvais déplacer et qui pouvait être tout le temps près de moi”.
Anne 24 ans, issue d’une famille de classe populaire dans une grande ville française
En effet les deux freins les plus importants sont :
- le caractère partagé du terminal informatique ;
- l’emplacement physique du terminal.
Trouver un espace d'intimité
L' étude met en avant des exemples qui montrent qu’un-e ado qui recherche des informations sur la sexualité trouvera un moyen d’y parvenir. Mais, qu'en réalité, la masturbation est empêchée par le partage d’un ordinateur ou le contrôle des parents, frères, soeurs et pairs.
– C’était l’ordinateur dans le salon, voilà, tu pouvais pas vraiment… t’étais pas vraiment tranquille pour faire ce que tu voulais.
Et ma soeur qui était toujours derrière : “Qu’est-ce que tu fais ?” Et je me rappelle d’un truc qui a changé, quand l’ordinateur il y avait plus de place dans le salon, on l’a descendu en bas, et là du coup je pense que mon utilisation a changéCéline, 23 ans, issue d’une famille de classe populaire
Au cours de l'étude, les auteurs ont également collecté l'histoire de "Jeanne, 21 ans, fille de cadres supérieurs dans une grande ville française, [qui] explique de son côté que tout en bénéficiant d’une chambre à elle, son accès à Internet était fortement encadré à l’adolescence, et qu’elle préférait alors explorer sa sexualité via Internet dans un autre espace intime : elle accédait à Internet (et à la pornographie) chez sa grand-mère, qui bénéficiait d’un ordinateur sur lequel le contrôle familial ne s’exerçait pas, et d’un espace à l’étage, inaccessible à sa grand-mère et donc lieu d’intimité à ses yeux.
Une diabolisation qui n'a plus lieu d'être
La famille déploie diverses stratégies qui n’aboutiraient en fait qu’à l’empêchement de la masturbation. Alors que c'est une pratique dont les bienfaits sont largement documentés (ici, là et encore là) et dont la diabolisation ne repose plus que sur une approche morale de la sexualité des adolescents.
Chacun est fondé à avoir sa propre opinion sur la pornographie, mais il est tout de même important que tous les parents intègrent que la stigmatisation des pratiques onanistes chez les adolescents a pour principale conséquence le développement d’un sentiment de honte et de culpabilité vis à vis de la masturbation, ce qui constitue une très mauvaise base pour la structuration d’une vie sexuelle maîtrisée et épanouie.
Sources
Amsellem-Mainguy Y., Vuattoux A., 2018, Construire, explorer et partager sa sexualité en ligne. Usages d’Internet dans la socialisation à la sexualité à l’adolescence, INJEP Notes & rapports/Rapport d’étude.
Yan Aresu., Evolution du discours médical sur l’onanisme de 1710 à nos jours. Sciences du Vivant
Rencontre avec la Dr Noémie Duriez : la gynécologie aujourd’hui ? [en ligne]. Politiqu'Elles, 20 janvier 2019. Disponible sur https://politiquelles.org/rencontre-avec-la-docteure-noemie-duriez/
Perin C., 2005, Sex'primer, sex'périmenter. Bruxelles [Belgique] : UNMS (Union Nationale des Mutualités Socialistes).