“Les jeux vidéo, c’est pas pour les filles” : quand les préjugés créent l’inégalité

 

Seules 37% des lycéennes envisagent de s’orienter vers une école d’informatique ou d’ingénieur, selon une étude Ipsos réalisée en 2021. Et c’est encore pire dans le monde professionnel, où les femmes ne représentent par exemple que 17% des développeur·euses. Un constat problématique, quand on sait que ces postes sont souvent bien rémunérés, et de plus en plus recherchés. Mais ces inégalités ne débutent évidemment pas au lycée, et sont présentes dès l’enfance.

Une problématique historique

Mais d’abord, petit saut dans le temps. La sous-représentation des femmes dans les secteurs du numérique est relativement récente. Dans un premier temps, le monde des ordinateurs est marginal, et ses métiers ne sont pas très recherchés. Le secteur est alors plutôt féminin, comme l’explique Isabelle Collet, professeure à la section des sciences de l’éducation de l’Université de Genève, et autrice du livre Les oubliées du numérique : « Il y a une chute importante de la proportion de femmes dans ces milieux à la fin des années 80, simultanément avec la montée en puissance de ces métiers. Ils sont devenus de plus en plus prisés par les entreprises. Et en même temps, dans les écoles se sont développées des filières d’étude de prestige, et ces nouvelles filières ont été massivement investies par des hommes ».

Pourtant, au départ, c’était plutôt les femmes qui programmaient. L’image de Margaret Hamilton, posant fièrement aux côtés de l’imposant code du logiciel de navigation créé par elle et son équipe, est devenue célèbre !

Suite au développement de l’informatique, les femmes n’ont pas spécialement quitté ce milieu, leur proportion a simplement baissé face au nombre croissant d’hommes se tournant vers cette filière.

 

* Le rapport est intitulé :
”Je rougirais si je pouvais : réduire la fracture numérique entre les genres par l’éducation”

 
 

À l’enfance, faire taire les préjugés

Si les choix d’orientation débutent plutôt au lycée, c’est leurs centres d’intérêts qui vont guider les jeunes vers telle ou telle filière. Et ceux-ci se développent dès l’enfance. L’usage des jeux vidéo par exemple, peut pousser les jeunes à envisager une carrière dans l’informatique. Parfois à tort, car être fort à un jeu vidéo ne signifie pas qu’on appréciera le métier de développeur. Mais ce qui est sûr, c’est que dans ces études les élèves rencontreront d’autres personnes partageant les mêmes passions.

Le problème, c’est que les jeux présentés comme “pour garçons” sont plus valorisés socialement que ceux présentés comme “pour filles”. Difficile alors de cultiver sa passion pour les jeux vidéo quand on est une fille. Isabelle Collet l’explique : « Les garçons et les filles ne jouent pas aux mêmes jeux. Les filles jouent à des jeux qui demandent peu d’investissement en terme matériel, parce qu’elles ont en moyenne moins d’argent de poche, et souvent c’est des parties courtes qu’on peut interrompre n’importe quand. Les garçons s’investissent sur des jeux où on doit jouer beaucoup et longtemps. Ce sont ces jeux qui sont mis en valeur dans l’e-sport et les magazines. »

Cela peut avoir des conséquences à l’école, où les garçons pourront avoir tendance à prendre plus de places dans les activités de découverte et de pratique du numérique, puisqu’ils se sentiront plus concernés. Empêchant alors les filles de se familiariser avec ces pratiques. On ne peut pas nier également, l’impact des préjugés encore tenace chez les parents.

« J’ai eu le cas d’une école d'ingénieurs qui proposait au public des expériences où on construit des robots, ils voient arriver des familles, et quand il y a un fils et une fille, ils viennent inscrire le fils. Pas la fille ! Ça semble spontané d’intéresser les garçons à ces sujets, mais pas du tout de proposer aux filles, qui n’osent pas déclarer leur intérêt. »

Selon Isabelle Collet, il est pourtant primordial de proposer aux petites filles ce type d’activités. Même si celles-ci ne semblent pas les passionner sur le moment, elles pourront leur servir de point de départ à un nouveau centre d’intérêt par la suite. Mais d’après un rapport de l’UNESCO*, l’éducation au numérique par les parents ne suffit pas : « Loin de se limiter au cadre de l’éducation formelle, il est essentiel de couvrir un champ d’action plus large en se fondant sur une approche multidimensionnelle permettant aux femmes et aux filles d’acquérir des compétences dans des contextes formels et informels divers, en l’occurrence la maison, l’école, la communauté et le lieu de travail. »

Un travail de diversité nécessaire aussi à l’école

Comme dit plus haut, il est important de ne pas laisser les garçons s’approprier les activités autour du numérique à l’école, pour que chacun·e ait une chance de s’y familiariser. Selon Isabelle Collet : « Évidemment c’est pas un problème de compétences, il n'y a pas de différence de ce point de vue-là entre les filles et les garçons. À l’école, il faut proposer l’activité, mais pas sous forme de choix : si vous leur demandez si elles ont plus envie d’observer la transformation d’un papillon ou de démonter un ordinateur, les filles vont plutôt choisir le papillon. Les filles ont moins souvent la possibilité de goûter, et de se sentir légitime. C’est vers ça que les activités de découverte du numérique doivent tendre. »

Et dans la suite du cursus scolaire, proposer aux jeunes filles des activités autour du numérique reste une initiative importante, car les préjugés ont toujours la peau dure. Aline Aubertin, présidente de l'association Femmes Ingénieures, l’explique très bien dans les colonnes de La Tribune : « Au collège et au lycée, un garçon qui ne réussit pas en mathématiques va être poussé à faire mieux alors que si une fille ne réussit pas, on va se dire que c'est normal et qu'elle réussira dans une autre matière. »

Dans une société où tout passe désormais par le numérique et les nouvelles technologies, savoir prendre en main ces outils est primordial. Faciliter l’accès des filles à ce secteur, participe à diminuer les inégalités entre les femmes et les hommes !

Un article écrit par Lise Famelart, rédactrice pour le média des parents de Super Demain.

 
 
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