La lumière bleue : une question de point de vue

©Manolo Moreno Martínez

 

©Linn Fritz

 

©Aron Vellekoop León

« Ne te met pas trop proche de l’écran ! Arrête de te coller comme ça, tu vas avoir les yeux abîmés ! » Nous avons tous entendu cette rengaine de la part de nos parents, quand nous étions scotché·es sur les dessins-animés à la télévision. Mais maintenant que les smartphones ou tablettes ont un peu détrôné la télé et que c’est vous qui êtes les parents, vous devez sûrement aussi vous inquiéter pour les yeux de vos enfants. Parce qu’avec ces nouvelles technologies, une nouvelle potentielle « menace » a fait son apparition : la lumière bleue.

De tout temps, le progrès et ici les écrans, (et les nouvelles technologies en général), sont accusé·es d’être la cause de nombreux maux physiques et psychiques. Ils seraient responsables, entre autres, de provoquer des troubles de l’attention, des comportements addictifs, des retards de développement cognitif, et d’abîmer les yeux, surtout des plus jeunes. Eh oui, peut-être que vous vous en méfiez déjà, mais le pire ennemi des yeux et du sommeil serait la lumière bleue dégagée par les écrans.

Mais c’est quoi le problème avec la lumière bleue ? Y en a-t-il réellement un ? Pour vous aider à faire la part des choses entre ses effets avérés et les avis alarmistes nous allons décrypter les différents points de vue (sans mauvais jeu de mot) sur le sujet et vous donner quelques conseils pour mieux comprendre les effets de la lumière bleue sur les yeux de vos enfants, et par extension, des vôtres. 

Concrètement qu’est ce que c’est la lumière bleue ? 

Sans parler de science pour le moment, il est désormais reconnu que regarder un écran de trop près est très mauvais pour les yeux des enfants. Vous avez dû faire l’expérience de regarder une vidéo de très près, et expérimenter un certain inconfort. Les yeux des enfants sont encore plus fragiles, il suffit donc d’éloigner convenablement (pas forcément à 4 mètres) l’écran. De même, il vaut mieux éviter de laisser votre enfant sur une tablette ou un smartphone dans le noir. Mais vous vous en doutiez sûrement.

Des effets sur le sommeil ?

La lumière bleue fait partie du spectre de la lumière du jour. Dans les écrans, le système d'éclairage ou de rétro-éclairage est possible, en partie, grâce à la présence de LED bleues. Des études scientifiques (notamment celle de l'ANSES) s’accordent à dire que la lumière bleue émise par les écrans perturberait le cycle du sommeil ou en tout cas l’endormissement (le cycle circadien) chez les enfants comme chez les adultes. Mis à part ça, les écrans peuvent figurer parmi les principaux perturbateurs du sommeil, à cause de l’excitation provoquée, et ceci particulièrement chez les tout-petits qui peuvent être captivés par l’écran et donc moins attentifs aux signaux qui les poussent à aller se coucher.Concernant la lumière bleue, ses effets sur le sommeil seraient liés à la notion d’horloge interne. D’après la conférence de l’Académie des sciences :

La lumière du jour freine la sécrétion de mélatonine (hormone qui permet l’endormissement) et un certain nombre de travaux ont montré que c’était la raie bleue qui le freinait le plus .

Conférence de l'Académie des sciences « Horloge interne, lumière et médias électroniques : la conduite à risque des enfants et adolescents »

Des études scientifiques (parmi elles, toujours celle de l'ANSES) s’accordent sur sa toxicité ainsi que ses effets sur le sommeil et la rétine. Sur le site du Ministère de la santé et des solidarités on peut lire ça :

Les données scientifiques récentes [...], permettent d’établir que l’effet phototoxique sur la rétine d’une exposition aiguë (inférieure à 8 heures) à une lumière riche en bleu est avéré et que le rôle de l’exposition chronique de la rétine (plusieurs années) à la lumière riche en bleu sur la survenue d’une dégénérescence maculaire liée à l’âge (DMLA) est également avéré.

"Effets sur la santé de l’exposition à la lumière bleue" - suite au rapport de l'ANSES sur les "LED et lumières bleues"

Les lunettes anti-lumière bleue : une aubaine pour les opticiens ?

Maintenant, la plupart des opticiens vendent des lunettes aux verres anti-lumière bleue. Les confinements, pendant lesquels les écrans étaient la principale source d'activités, ont fait exploser les ventes de ce type de produit. Nous sommes allés interroger Gunnar Optiks, un des leader de ce marché, sur la façon dont cette technologie fonctionne :

Pour filtrer la lumière bleue on va utiliser la couleur complémentaire du bleu qui est l'orange. Nous proposons la teinte ambrée donc jaune (ce qui ne va pas non plus dénaturer la perception) qui va filtrer environ 65% de la lumière bleue émise par les écrans. 

Iqbal, chargé des ventes et des partenariats chez Gunnar Optiks

Mais les études sur le sujet ne sont pas unanimes : une très récente étude américaine a testé l'effet des lunettes anti-lumière bleue sur une centaine de participants pendant 2h sur un écran (l'étude est à prendre avec des pincettes car le temps d'écran est moindre). Les scientifiques ont fait croire à tou·te·s les participant·es qu'ils et elles avaient tou·te·s reçu des lunettes anti-lumière bleue alors que la moitié étaient des lunettes classiques. Les résultats de l'étude démontrent qu'aucune différence n'a été observée : les participant·es n'ont pas eu plus ou moins mal aux yeux selon si ils ou elles portaient ou non ces lunettes. Alors, argument marketing ou réel problème de santé ?

Prudence, mais pas de panique

Cependant de nouvelles études mettent en évidence que ces effets ou non-effets sont difficiles à prouver, car les écrans n’émettraient pas suffisamment de lumière bleue pour avoir un réel impact sur le cycle de sommeil, ni pour abîmer la rétine. C'est ce qu'avance l'Académie Américaine d'Ophtalmologie :

Ces effets sont causés par la façon dont les personnes utilisent les écrans et pas par les écrans eux-mêmes. La meilleure façon d'éviter des douleurs oculaires est de faire des pauses régulièrement.

Celia Vimont de l'American Academy of Ophtalmology. Traduit de l'anglais.

Il est aussi important de préciser qu'il est difficile d’isoler ce facteur seul et cela s’applique à toutes les études attachées à expliquer les effets des nouvelles technologies sur le corps humain. Pour avoir des preuves, il faudrait enfermer un humain dans une boîte avec un écran, sans sollicitation extérieure. Et les effets sur les enfants ont été très peu étudiés.

Les études sur ce sujet ainsi que les objets de l’étude (les écrans de smartphones et de tablettes) ne permettent pas, pour l'instant, d’avoir le recul nécessaire pour en évaluer la dangerosité. En faisant l'analogie avec la lumière du jour, Francine Béhar-Cohen,ophtalmologue et directrice de l'équipe Inserm Physiopathologie des maladies oculaires, déclare que :

Pour une exposition chronique (à la lumière bleue) il n’y a pas de normes limites donc c’est pour le moment difficile de voir les effets sur le long terme.

Francine Béhar-Cohen, ophtalmologue, directrice de l'équipe Inserm Physiopathologie des maladies oculaires

Ce qu'il faut retenir

Si vous voulez plus prévenir que guérir, il existe des lunettes anti-lumière bleue adaptées aux enfants dès l'âge de 4 ans. Avant cet âge il est tout de même déconseillé de laisser votre enfant trop longtemps devant un écran. Vous pouvez aussi installer l’application f.lux qui réglera la luminosité de l’écran selon le moment de la journée. Mais les contenus diffusés sur l’écran ont toute leur importance aussi : les films et jeux vidéo non adaptés à l’âge de votre enfant peuvent le perturber et provoquer chez lui des troubles de l’endormissement, du sommeil et des cauchemars.

En résumé :

> Éviter d'utiliser un écran dans le noir total donc allumer une autre source de lumière à proximité

> Ne pas utiliser les écrans jusqu'à trop tard

> Installer un logiciel comme f.lux

> Proposer des contenus adaptés à l'âge de l'enfant

> Pour les plus petits : jamais d'écran avant le coucher

Bibliographie

  • Sumeer Singh, Laura E. Downie, Andrew J. Anderson, 2021 "Do Blue-blocking Lenses Reduce Eye Strain From Extended Screen Time? A Double-Masked Randomized Controlled Trial" American Journal of Ophtamology 11/02/2021 https://doi.org/10.1016/j.ajo.2021.02.010

Un article écrit par Marie Grosbois, rédactrice pour le média des parents de Super Demain.

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