Tous les camarades de mon fils sont sur Snapchat, sauf lui car il n’a pas 13 ans !

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« Mon fils a sauté une classe et il est donc plus jeune que ses camarades. J'ai été étonnée d'apprendre que sa professeure principale avait demandé à sa classe de créer une conversation en ligne, notamment pour partager les devoirs. Un groupe de classe a donc été créé sur Snapchat, mais mon fils n'a pas l'âge légal pour s'inscrire sur ce réseau social.
Doit-il se créer un compte quand même, en mentant sur son âge, pour éviter qu'il soit exclu des conversations ? »

Manuela, 44 ans


La réponse de CHRISTOPHE DORÉ

Médiateur numérique et rédacteur pour le média de Super Demain

Bonjour Manuela, et merci de la confiance que vous nous témoignez en nous sollicitant.

Votre question illustre à quel point la barrière de l’âge telle qu’elle est conçue et mise en œuvre aujourd’hui trouve rapidement ses limites. Car c’est l’âge “civil” qui est pris en compte, et non l’âge “intellectuel”. Si votre fils est jugé apte à suivre les mêmes cours que des camarades plus âgés, il devrait également l’être pour partager leurs pratiques informationnelles et culturelles, après tout. Ceci-dit, ayant moi-même vécu ce décalage d’âge, il arrive qu’un enfant précoce ne le soit pas également dans tous les domaines…

Il me semble utile, et même important, que votre fils ne soit pas exclu de cet espace, tant les “raisons” qu’auront ses camarades de le mettre à l’écart peuvent être nombreuses : différences de taille, de voix, de pratiques culturelles, rapport au corps et à la sexualité, etc. Il est donc d’après-moi entendu que votre fils devrait pouvoir participer à ces échanges distanciels et asynchrones.
La question est : comment s’y prendre puisque le système de limite d’âge lui interdit théoriquement ?

Voici deux propositions différentes, mais qui vous permettront de vous en sortir :

Même si ce premier conseil va vous étonner, je propose de mentir de quelques mois en lui proposant de proposer de se créer un compte en s'attribuant l'âge de 13 ans (et pas 17, 25 ou 42 ans !), puisqu’à cet âge, il peut s’inscrire avec votre autorisation. Vous pourrez installer également sur son téléphone et le vôtre une application de suivi parental via laquelle vous l’autoriserez à se connecter. Il vous faudra alors résister à l’envie de suivre très précisément ses recherches et historiques en configurant cette application a minima (applications autorisées, heures limites de consultation). Ou alors, vous assumez d’être très intrusive et de suivre ses usages et déplacements à la minute près. (Perso, je le déconseille). Enfin, pensez à vous mettre un pense-bête pour modifier sa date de naissance le lendemain de l’anniversaire de ses 13 ans.

L'autre solution serait d'interpeller l'enseignant pour qu'elle ou il trouve une solution qui convienne à tous les élèves dans le cadre légal, car il ou elle est normalement tenu de le faire. Sans compter que je m’interroge (et que vous pouvez l’interroger par conséquent) sur le choix de la plateforme snapchat pour plusieurs raisons. La première est que ce réseau social n’est accessible que via un smartphone. Considérant les tensions autour du smartphone en milieu scolaire, c’est un peu paradoxal et une sorte d’injonction à l’équipement des jeunes.
Par ailleurs, même si c’est plutôt une bonne nouvelle qu’une enseignante envisage de proposer des usages “constructifs” d’applications que les élèves utilisent déjà, Snapchat est loin d’être d’après-moi l’environnement le plus approprié, tant les sollicitations et sources de distraction y sont nombreuses. Enfin, ce réseau social a la particularité de proposer une visualisation éphémère des photos et vidéos envoyées, ce qui semble complexifier l’usage pédagogique. Il aurait peut-être été préférable d’opter pour Whatsapp, qu’il est possible de rendre peu intrusif en interdisant au service d’accéder au répertoire du téléphone, ou Discord, avec un serveur dédié à la classe. Idéalement, il faudrait enfin que quelques séances en amont soient consacrées au fonctionnement et aux “bons usages” (scolaires et autres) de cet outil.

En parallèle, sachez qu’il est quasiment certain que les élèves s’empresseront de créer un groupe classe “miroir”, d’où les professeurs seront absents. Les échanges qui s’y dérouleront seront évidemment bien moins policés. Il sera donc important de sensibiliser votre fils aux exagérations, bravades et au recul nécessaire pour y évoluer. En lui rappelant également qu’il n’a pas à réagir à tout ce qui le choque ou à entrer dans une stratégie de surenchère pour faire “comme les grands”.

Enfin, à ses 15 ans, il pourra demander la levée du système de suivi parental, mais ce n’est ni automatique ni obligatoire. Je vous conseille cependant de partir du principe qu’il conviendra à ce moment de poursuivre la préservation du lien de confiance que vous construisez avec lui, en le laissant donc faire “sa vie”, ses expériences… et ses erreurs.

Si avant ses 15 ans, vous êtes parvenus à échanger de façon décomplexée sur ses usages et ses relations aux autres, il y a peu de raison que ce lien disparaisse du jour au lendemain…

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