Et si l'intelligence artificielle révolutionnait l'école ?

 

ChatGPT : un outil qui a bouleversé la pratique professionnelle des enseignants.

 

Exemple d’utilisation d’un prompt sur le logiciel d’intelligence artificielle d’images génératives Midjourney.

 

Les jeunes d’un centre social de Rillieux-la-Pape (69) créent l’affiche d’un événement organisé par la ville, grâce à l’intelligence artificielle.

Un beau matin du mois de mai, Lady Oscar, une professeure très active sur Twitter, remarque en corrigeant la copie d'anglais d'une élève de terminale que cette dernière est passé d'un niveau moyen... à un niveau de professeure agrégée ! Plutôt étrange non … ? Elle se rend vite compte que l'élève a eu recours à l'outil ChatGPT pour faire son devoir.

L’anecdote condense les inquiétudes fréquemment évoquées au sujet de l’intelligence artificielle à l’école : ce nouvel outil va-t-il empêcher les élèves d’apprendre et faciliter la triche ? Ce serait faire une croix sur un nouvel outil d’apprentissage bourré de potentiel. On fait le point avec des professeurs !

Quand les élèves utilisent l’iA

Si l'intelligence artificielle générative de contenu a fait son trou dans le milieu de la tech en France depuis plusieurs années, c’est tout récemment qu’elle est arrivée dans les collèges et lycées français.

Lisa Luther, professeure d’espagnol et professeure principale, remarque que c’est seulement depuis cette année qu’elle voit ses élèves s’emparer de l’outil.

« J’ai des élèves qui l’utilisent de leur propre initiative, mais pas toujours à bon escient. Pour une dissertation, une rédaction, pour préparer des oraux… c’est une des raisons pour lesquelles j’ai arrêté de donner des devoirs à la maison. »

Lise Chargé, professeure d’anglais, a elle aussi arrêté de donner des DM (devoirs maison) pour la même raison. Elle préfère accompagner ses élèves dans leur découverte de l’intelligence artificielle, comme par exemple en s’en servant comme sujet lors de cours thématiques.

« Pour un cours, je leur ai demandé de travailler sur une présentation d’un métier dans lequel on utilise l’IA. Je leur ai montré comment poser correctement des questions à ChatGPT. C’est un outil qui peut être redoutablement efficace pour faire certains types de recherches en ligne, pourquoi leur interdire ? »

Lisa Luther et Lise Chargé sont arrivées à la même conclusion : selon elles, c'est un peu contre-productif d'interdire aux élèves de se servir de l'intelligence artificielle. D’abord parce qu’ils s’en serviront quand même, mais surtout parce que cet outil représente une nouvelle opportunité pédagogique.

Quand les profs font appel à l’IA

Cette opportunité, elles la saisissent aussi. L’une comme l’autre s’en servent occasionnellement pour préparer leur plan de cours.

Lise Chargé donne un exemple : «  C’est comme si je “brainstormais” avec quelqu’un, par exemple je veux donner un cours sur la pub, je demande à ChatGPT de me donner des idées. Pourquoi on se priverait d’utiliser des outils qui nous aident à être plus performant ? Évidemment, il faut avoir la présence d’esprit de questionner ce qu’il te dit et d’aller vérifier tes sources. »

Pascal Mériaux est chargé de projet Innovation à la DRANE de Lyon. Il est aussi professeur d’histoire et professeur principal. Et lui a une façon encore plus poussée de faire appel à l’IA dans le cadre de ses cours. Il a par exemple donné pour consigne à ses élèves d’écrire un discours d’entrée au Panthéon pour Louise Michel. Dans ce cadre, il a créé un bot en fournissant des données à l’IA et en lui donnant des instructions précises pour guider l’élève dans la rédaction, en interdisant par exemple au bot d’écrire lui-même le discours. Une façon d'utiliser l'intelligence artificielle à visée pédagogique !

Et ce n’est pas tout :

« Dans le cadre de leur orientation, mes terminales ont beaucoup de travail pour rédiger des lettres de motivation pour des formations et ou des contrats d’apprentissage. On a créé un bot à partir de bases de données comme l’ONISEP et de questionnaires de centre d’intérêt pour les aider à rédiger leurs lettres de motivation car mes élèves ont de grandes difficultés dans la maîtrise de l’écrit et des codes nécessaires à une lettre de motivation ». L’IA devient simplement ici un assistant rédactionnel, mais réduit aussi les inégalités sociales.

Utiliser l’intelligence artificielle, c’est bien beau, mais il faut apprendre aux élèves à s’en servir correctement, et à en comprendre les limites : erreurs possibles quand le jeu de données n'est pas mis à jour en temps réel, manque de créativité, quasi-impossibilité de trouver les sources utilisées par l'outil (donc de les contextualiser et de les citer de manière exhaustive)…

Lisa Luther, qui a elle-même été formée à l’usage de l’IA en milieu scolaire, est formelle : « Je pense que c’est le rôle des profs de sensibiliser aux enjeux du numérique, on est tous obligés de travailler avec le numérique, donc on doit se former à toutes ses avancées.»

L’IA, le futur de l’enseignement ?

Dans la mesure où les élèves s’en servent et les profs aussi, peut-on dire que l’intelligence artificielle va révolutionner le monde pédagogique ? Pas si simple : cet outil est surtout un pas de plus dans le numérique à l’école, déjà initié par l’utilisation des moteurs de recherche et des outils de traduction en ligne, par exemple.

Aussi se pose la question de la progressivité : quand débuter dans son utilisation de l’IA ? À quel âge, quel niveau de maîtrise des outils numériques ? Que signifie “évaluer”, à l’ère de l’IA ? Des interrogations qui doivent encore être défrichées puisque le sujet est récent. La question de l’utilisation des données personnelles des élèves est aussi à soulever. Les professeurs n’ont pas le droit de demander aux élèves de se créer un compte sur une plateforme privée.

Pascal Mériaux conclut: « Il faudrait une IA de l’Education Nationale, qui garantirait une protection totale des données. Mais aussi une “fiabilité” des données, une transparence des données et du modèle de langage utilisé. »


Le premier ministre Gabriel Attal a justement annoncé le déploiement de MIA, un programme utilisant l’Intelligence artificielle, dès septembre 2024, pour accompagner les élèves de seconde dans leur apprentissage des mathématiques. L’intelligence artificielle semble être une des préoccupations de l’Elysée, avec 1,5 milliards d’euros investis dans ce secteur depuis 2017.

Un article écrit par les rédacteurs et rédactrices du média des parents de Super Demain.

Précédent
Précédent

Engagement excessif dans le jeu vidéo : comment gérer cette nouvelle passion ?

Suivant
Suivant

🎮 Rétrogaming : comment partager avec nos enfants nos coups de cœur vidéoludiques du passé